Les Misérables
Nous sommes tous des misérables…
Pourrait être ainsi le sous-titre du premier long métrage de Ladj LY, membre du Collectif KOURTRAJME, créé en 1994, par (entre autres), Kim CHAPIRON et Romain GAVRAS (fils de l’immense Costa…)
Après avoir observé depuis de nombreuses années ce qui se passait dans son quartier de banlieue (la Cité des Bosquets dans le 93), sa caméra a, un jour, été le témoin et filmé une bavure policière.
En 2017, il réalise un court métrage intitulé « LES MISERABLES », qui suit le parcours tumultueux d’un membre de la Brigade Anti Criminalité à MONTFERMEIL cité qui l’a vu grandir.
De là est née l’idée d’adapter, quelques années plus tard, cette histoire sur grand écran, via un long métrage, du même titre.
Avec ce film, Ladj LY raconte un peu sa vie, ses expériences et celles de ses proches, l’intégralité de ce qui nous y est conté étant basé sur des évènements vécus.
En réalisant LES MISERABLES, l’objectif premier de son auteur est de démontrer la diversité incroyable qui alimente, au quotidien, la vie des quartiers, où, chacun vivant de petites combines et arrangements entre amis, essaie de régler du mieux possible, ses problèmes, au gré de codes qui gèrent telle ou telle communauté.
Par une mise en scène nerveuse, le film se déroule à une cadence rythmée, de laquelle se dégage une énergie incroyablement contagieuse, qui ne nous laisse aucune seconde de répit.
Le spectateur se trouve, dès les premières minutes, en totale immersion au sein de cette cité placée sous haute tension, au bord du chaos et d’une éruption tangible, palpable à chaque instant…
La première partie du film
Une sorte de balade initiatique au cours de laquelle on se familiarise avec les personnages, leurs clans, leurs dogmes…comme une plongée dans un bouillon de cultures au sein d’une cité de SEINE SAINT DENIS.
La seconde partie…
… nous prend par la main et nous embarque en plein cœur d’un monde bousculé, chahuté, aux prises de mouvements de violence et dicté par les lois implacables de quartier.
On y suit nos trois héros, des flics de la BAC sur le terrain, parfois obligés d’outrepasser leurs fonctions et leurs pouvoirs (se plaçant à la limite de la légalité) pour tenter de maintenir le calme face à des chefs de cité indécrottables, des religieux arrogants mais respectés de tous aux méthodes souvent radicales, et des enfants violents et incontrôlables.
Au moindre faux pas, c’est le quartier tout entier qui bascule dans le chaos au risque de déclencher une guérilla urbaine.
La caméra de Ladj LY capte les regards, filme au plus près ses personnages, sans aucun jugement ni manichéisme. C’est là toute la grandeur qui fait la noblesse de son film.
Il transmet à l’écran le sentiment d’urgence qui guette, prêt à bondir à chaque détour de plan, et à exploser.
On peut trouver dans LES MISERABLES, une filiation assumée avec le mythique film « LA HAINE » de Mathieu KASSOVITZ de par son aspect politique à connotation profondément humaniste.
En dénonçant adroitement un système au sein duquel chacun de nous peut devenir une victime, le titre du film « LES MISERABLES » trouve tout son sens.
A l’instar du célèbre roman de Victor HUGO, il y a en chacun de nous une part misérable qui fait de nous, à l’un ou l’autre moment de notre existence, des Gavroche ou des Cosette en mode d’expression.
Ladj LY nous réserve une dernière demi-heure explosive, qui nous éclabousse en plein visage, telle une grenade dégoupillée.
D’une maîtrise parfaite et d’une efficacité redoutable, le film s’avère hyper contemporain, d’un réalisme à couper le souffle, filmé avec une justesse et un réalisme hors normes.
A la fois patriote, social, sombre et politique LES MISERABLES est un film coup de poing, que l’on reçoit, tel un uppercut.
Une force cinématographique à toute épreuve qui a valu au cinéaste d’être auréolé du Prix du Jury au dernier festival de CANNES et d’une sélection aux Oscars prochains, pour représenter la France dans la célèbre course à la statuette. On croise les doigts…
En attendant, LES MISERABLES est le film choc du mois, que vous n’êtes pas prêts d’oublier…
Laurence Salfati